Amalth venait la nuit.

Il apparaissait d’abord en songe. Qui peut affirmer se souvenir distinctement de ses rêves ? La description la plus fine évoquerait un flux d’images accéléré, comme un tourbillon autour du visage dans lequel mon esprit s’était incarné cette nuit-là. Brusquement, le défilement s’arrête. Je vois un lieu. Un lieu unique, toujours changeant, toujours une nouvelle promesse : l’exploration.

J’ouvre alors les yeux. Une lumière étincelante, vive et silencieuse envahit mon regard. Le flash disparaît, il est là. En bas, dans ma rue, face à ma porte ou à ma fenêtre, dans le champ où je me suis assoupie. Invisible du monde – je suis la seule à pouvoir le voir – mais le seul à exister.

Il m’est toujours difficile de soutenir l’éclat de sa peau. Écailles et pelage argentés. Couronné d’un lierre aux feuilles pourpres, au royaume de la nuit.

Le cœur battant violemment contre ma poitrine, je le rejoins sans bruit, incapable de dompter mon excitation. J’ai beau avoir 30 ans passés, je reste toujours ébahie face à sa beauté. Ce soir, sa magie me submerge en un frisson sublime.

Il s’époussète promptement, faisant voler la poussière du voyage autour de lui. Elle retombe en pluie fine sur le sol, et l’on devine les traces de ses sabots derrière lui, incrustées dans les grains dorés, menant à quelques forêts, plages ou ruines abandonnées.

Amalth ne dicte aucune règle, mais j’ai appris de ses nombreuses visites la loi tacite qui régit nos entrevues. En premier lieu, me tenir face à lui, en retenant mon souffle. Poser délicatement ma main sur sa joue. Ne pas brusquer son instinct fier mais rompu à la fuite animale. Glisser ensuite sur le côté, à quelques centimètres de son flanc, pour déposer ma tête contre son omoplate. Un rituel lent, comme une danse, jusqu’à notre envolée.

Ce soir-là, il ressent ma détresse. Il m’observe sans tourner la tête, sa vue périphérique décodant les micro-expressions de ma peau. Dans un seul mouvement, sa longue queue de sirène s’enroule autour de mon ventre, me hisse sur son dos, et il s’élance, brisant le mur invisible vers l’autre Monde.

Je ferme les yeux le temps de l’impact. Le balancement de mes hanches épouse son galop sur la brume. Le ciel noir, immense, s’étire au-dessus de notre course. Je sens son cœur contre le mien, dans sa forme première, brûler en folie douce.

« Tu es un rêve. », murmurai-je. L’amour s’échappe de mes lèvres et nous enflamme ensemble, telle une comète de feu dans la nuit étoilée.

On continue ?

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